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Chaque année, plusieurs Français « oublient » de réclamer les prestations sociales qui doivent leur revenir. Plusieurs causes peuvent expliquer cette situation. Toutefois, le gouvernement a évoqué sa volonté de faciliter les démarches pour accéder à ces aides. C’est surtout le cas de la prime d’activité qui fera l’objet d’un rapport pour son envoi automatique. Le projet « solidarité à la source » d’Emmanuel Macron, suit cette optique. Quid sur ces deux dispositifs ?
Des travaux de longue haleine pour faciliter l’octroi de la prime d’activité
Le projet « solidarité à la source » d’Emmanuel Macron a pour ambition de permettre le versement automatique de plusieurs prestations sociales. Pour faire simple, son programme doit corriger le taux de non-recours de ces aides.
Mais les travaux du gouvernement pour la mise en place d’un outil similaire, sont plus anciens. La direction générale de la cohésion sociale (DGCS), travaille déjà sur le rapport spécifique d’un outil de versement automatique de la prime d’activité. Ce document du gouvernement a été institué après le vote d’un amendement à la loi de finances 2022, en automne 2021. De fait, ce projet et celui d’Emmanuel Macron sont complémentaires, mais indépendants l’un de l’autre.
L’amendement en question a été apporté par Patrice Anato, député LREM de Seine-Saint-Denis.
« Le gouvernement remet au Parlement, avant le 1er septembre 2023, un rapport dressant un état des lieux relatif aux travaux menés concernant la modernisation de la délivrance de la prime d’activité et le développement d’outils de récupération automatique des données déclaratoires des bénéficiaires. »
À l’origine, ce rapport devait être remis au plus tard en septembre 2022. Mais le texte définitif de la loi de finances 2022, a reculé la date limite de son dépôt d’un an, soit le 1er septembre 2023.
Ce même rapport relance d’autres travaux en cours. C’est d’ailleurs ce que Patrice Anato a spécifié dans l’exposé des motifs de cet amendement. :
« En 2019, le gouvernement avait annoncé que le versement de la prime d’activité pourrait être automatisé à compter de l’année 2020. Cette évolution constituerait un progrès significatif pour lutter contre le non recours et simplifier les démarches des foyers bénéficiaires de cette prestation. »
L’enjeu du versement automatique de la prime d’activité
Le versement à la source de la prime d’activité est une préoccupation de longue date du gouvernement. C’est pour lutter contre le non-recours des aides que leurs bénéficiaires ne réclament pas.
Une étude de la Drees affirme que le non-recours des prestations sociales en France, est estimé à plusieurs centaines de millions d’euros par trimestre et de plusieurs milliards d’euros par an.
En 2020, la CNAF a élaboré une « étude qualitative sur le non-recours à la prime d’activité ». Selon cette analyse, 3 raisons sont à l’origine de ce problème :
- La « méconnaissance de la prime d’activité et un manque d’information ».
- L’absence de demande dans le cas « d’allers-retours dans [l’éligibilité à] la prime d’activité »
- Une cause directe propre à chaque ménage. C’est peut-être à cause de la complexité décourageante des démarches ou encore les revenus variables fluctuants et précaires de certains foyers.
Selon Jean-Christophe Combe, « la digitalisation, c’est bien, mais quand vous ne rentrez pas dans une case, cela devient un parcours du combattant déshumanisant (…) Il est complètement anormal que 30% des personnes qui ont droit à des aides ne les réclament pas. »
Il est pourtant dommage de passer à côté du montant moyen de 181 euros de la prime d’activité. Ce montant pourrait encore être plus élevé dans les prochains mois, grâce à la loi sur le pouvoir d’achat ou encore cette revalorisation exceptionnelle de 4 %. Une autre revalorisation aura lieu en avril 2023 pour anticiper l’inflation.
Voilà pourquoi, le rapport de la DGCS est très important. La Drees reconnaît que ces « données complémentaires, aujourd’hui non disponibles, restent nécessaires pour estimer le non-recours à la prime d’activité. » Ce document mettra en évidence la faisabilité de la récupération automatique des données à l’octroi de la prime d’activité. En clair, ces investigations vont pouvoir chiffrer exactement le taux de non recours de la prime d’activité.
L’envoi automatique de la prime d’activité et des autres prestations sociales vise aussi à lutter contre la fraude sur ces aides. Un tel dispositif « va permettre de sécuriser le système et aussi de réduire les coûts des recouvrements des indus en cas d’erreurs de calcul », selon Jean-Christophe Combe.
Pourquoi l’envoi automatique de la prime prend autant de temps ?
Pour 2023, la loi de finances a consacré 4,54 millions de ménages bénéficiaires de la prime d’activité. Selon le sociologue et enseignant spécialisé sur les questions de pauvreté, Julien Damon, l’envoi automatique des aides devrait permettre de « verser des prestations ajustées aux situations des gens ».
Mais l’instauration de l’envoi de ce type de dispositif se heurte à quelques difficultés. Le spécialiste a ajouté que « passer d’un système déclaratif et de demande à un système automatique est une belle et forte idée, mais ça commande des réformes extrêmement substantielles en matière juridique et de système d’information ».
Selon Julien Damon, « l’idée est belle, mais c’est un chantier, ça ne se fera pas du jour au lendemain ». C’est une bonne chose que la solidarité à la source et le rapport de la DGCS travaillent séparément. Face à l’ampleur de leur impact, ils ne peuvent pas attendre leurs résultats mutuels.
Le calendrier du rapport sera toujours maintenu, malgré les actions de la solidarité à la source. De même, l’expérimentation du chantier de la solidarité à la source en 2023 va donc continuer ses progrès même si un tel rapport n’est pas encore prêt. Jean-Christophe Combe a expliqué qu’une expérimentation aura lieu en 2023 dans le cadre du projet de la solidarité à la source. « Nous allons faire appel à la volonté d’une dizaine de territoires où on mobilisera tous les acteurs concernés », a-t-il annoncé.
Les « territoires zéro non-recours » qu’il a mentionné, n’ont pas encore été précisés. En revanche, les résultats pratiques de l’expérience sont attendus en 2025. Toutefois, le ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées affirme que ce sera une expérimentation progressive.
« C’est un sujet complexe qui implique de lourds travaux techniques pour harmoniser les ressources et permettre la récupération des données auprès des employeurs et des administrations », soutient-il.